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Réalisé par Luis Buñuel d’après un scénario de Luis Buñuel et Salvador Dalì
Film espagnol sorti en 1929.
De nombreuses légendes accompagnent ce court-métrage qui fait date dans l’histoire du cinéma surréaliste dès sa genèse. Les scénaristes , Luis Buñuel, ami des surréalistes, et Salavador Dalì, déjà bien connu en Europe en tant que peintre, se seraient rassemblés chez le peintre, à Figueras, ou à Cadaquès, selon les sources, et auraient coécrit ensemble le scénario d’Un Chien Andalou d’après des rêves des deux amis et des procédés de créations surréalistes tels que les cadavres exquis ou le collage. Luis Buñuel, qui expliqua souvent par la suite le processus de création de son court-métrage, précisa notamment : « Nous travaillions en accueillant les premières images qui nous venaient à l’esprit et nous rejetions systématiquement tout ce qui pouvait venir de la culture ou l’éducation. Il fallait que ce soient des images qui nous surprennent et qui soient acceptées par tous les deux sans discussion ». Ce sont certes là des propos d’artistes, mais ce qui frappe dans ce récit est cette forte volonté de créer une oeuvre surréaliste, qui était jusque là un courant jamais illustré sur grand écran, tant dans le processus créatif («les premières images qui nous venaient à l’esprit») que par l’effet que l’on veut produire («des images qui nous surprennent»). Projeté avec le Mystère du château de dés aux Ursulines pour la première fois invité par Man Ray, le réalisateur se disait s’attendre au pire mais fut tout de suite acclamé et accepté parmi les surréalistes tandis que le film de Ray passa inaperçu.
Le film surprend en effet dès sa sortie par son caractère révolutionnaire et déstructuré. Tout résumé qui ne soit pas découpage serait inexact, tant le scénario se concentre principalement sur des images choquantes qui structurent la trame temporelle. Tout comme les scénaristes se sont dits créer leur intrigue sous la forme d’un échange presque arbitraire (et dont les propos sont relatés sur le site suivant : http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-bunuel/ENS-bunuel.html), l’ensemble se construit à partir de cartons ridicules car illogiques : « Huit ans après », « Seize ans avant » ou bien « Au printemps », ne font que créer une véritable imbroglio temporel se moquant de toute logique chronologique. En effet, tout comme dans les tableaux du peintre belge surréaliste René Magritte, l’écrit apparaît principalement pour nous perturber dans notre vision et notre confort de spectateur qui cherche une logique sémantique.
L’histoire trouve néanmoins des points de repère dans ses thèmes abordés. Tous sont clairement anticléricaux ou critiquent la bourgeoisie. Ainsi, nous retrouvons au début du film un homme sur un vélo déguisé en nonne. De même, plus tard dans le film, le personnage voulant accéder à la femme convoitée (sexuellement, de sorte à déchaîner toutes les passions), se doit de traîner dans son dos à l’aide
de cordes un piano à queue lesté d’ânes morts et de deux curés. Cette même critique anticléricale réapparaît dans l’oeuvre picturale de Salvador Dalì où la religion s’oppose souvent à des passions et fait obstacle à l’être humain dans ses fantasmes, ses désirs et sa condition même humaine, ou toutes les vertus tenues pour les plus hautes par les surréalistes.
Dans la trame générale de la conquête d’une femme et du désir entre fantasme et réalité, de nombreux éléments viennent se caler dans le récit, prenant une place toujours décisive. Il en est ainsi d’un papillon que nous retrouvons sur le mur de l’appartement, lieu de la scène de concupiscence. Ce papillon associe effectivement deux détails constants dans l’ouvre surréaliste et dans celle de Salvador Dali particulièrement. Il s’agit des papillons ainsi que de la tête de mort. La tête de mort apparaît rarement seule dans les photographies et peintures surréalistes. Elle est plus souvent soit constituée d’éléments divers soit détail d’objet (comme elle l’est dans Un chien andalou). L’association d’un symbole très ancien et répandu dès les vanités dans l’art pictural tel que le crâne combiné avec un autre symbole de légèreté et d’éphémère comme le papillon apporte un sens d’association des contraires que les surréalistes prônaient.
Sur cette même lignée zoologique, les fourmis constituent également un « picotement » de l’image (et sûrement signe de pourriture interne) qui semble déjà fasciner Salvador Dalì lors de l’écriture d’Un chien andalou.
Élément que nous retrouvons principalement dans les détails des tableaux de Dalì mis à part sur Le visage aux formais, où ce n’est plus de la main mais de la bouche d’où sortent les insectes.
Enfin, à travers cette courte relève des éléments et motifs picturaux sensibles à la forme cinématographique dans Un chien andalou, nous pouvons remarquer que la création « ex nihilo » qui fait la légende du film n’est peut-être, si ce n’est pas tout à fait vraie, du moins inconsciemment lacunaire dès que nous rapprochons certaines peintures et procédés surréalistes courants au film censé n’être né que des seuls rêves et envies (caprices, dans un sens mélioratif) des réalisateurs. Bien évidemment, le processus d’imitation ou de reprise de motifs préexistants ne fait pas partie d’une légitimation de l’oeuvre, bien au contraire. Mais le surréalisme, donnant le primat à l’individu et à ses pulsions, se doit de laisser de la place à des récurrences personnelles qui forment la personnalité et la nature humaine (dont, en bonne place, la sexualité). D’où ce foisonnement d’images et d’utilisations esthétiques très proches du courant surréaliste. Ajoutons de plus que ce film, qui fut un des premiers et le plus médiatisé (car porté par la figure connue de Salvador Dalì) se devait de faire manifeste en la matière, d’indiquer « comment faire des films surréalistes ». Ce qui explique aussi peut-être cette clarté de motifs surréalistes dans le traitement du scénario.
LZ
De plus amples informations sur le film sont disponibles sur le site suivant :
Site du centre Pompidou